Colles et durcisseurs
Parlons un petit peu d'une chose très commune sur toute sorte de spécimens, aussi bien minéralogiques que paléontologiques : la colle !
Le recollage :
Parce que les sites de découverte sont souvent difficiles d'accès, ou parce que l'extraction donne du fil à retordre (que celle-ci soit réalisée au marteau/burin ou au moyen de matériel mécanisé), il est fréquent que des spécimens se brisent lors de leur récolte ou bien se fissurent ou se fracturent. Aussi, afin de reconstituer des spécimens cassés, de nombreux amateurs et professionnels utilisent tout simplement de la colle pour réparer leurs trouvailles (ou éventuellement une maladresse liée à la manipulation d'une pièce). Les recollages sont fréquents dans le monde de la collection, parmis les colles utilisées : la cyanolite. La cyanolite ou cyanoacrylate (superglue) se trouve facilement dans le commerce et s'applique facilement. Certains cristaux ou fossiles brisés sont ainsi réparés très rapidement. La détection d'un recollage peut être très délicat... si le recollage est effectué sur une cassure fraîche, il peut être totalement invisible se confondant parfaitement aux petites fissures naturelles du spécimen...
Des indices permettent néanmoins d'identifier un recollage comme tel :
- Excès de colle visible
- Traces blanchâtres : elles sont liées à l'utilisation de cyanolite en milieu humide
- Rupture dans la symétrie d'une face, d'un clivage ou d'une striation
- Fracture visible d'un cristal recoupant totalement le dit cristal en ne suivant pas un plan de clivage naturel.
- Fluorescence : certaines colles bas de gamme, utilisées notamment au Brésil, Maroc, Chine, etc... sont fluorescentes aux UV, il devient alors facile de les mettre en évidence au moyen d'une lampe UV.
Il faut savoir que la plupart des colles se dissolvent dans l'acétone, les collages sont donc facilement réversibles. Par ailleurs les minéraux aciculaires voyageant d'un bout à l'autre de la planète sont le plus souvent collés au fond de tupperware afin de ne pas arriver en miettes...
Il est à noter que les musées et institutions utilisent aussi très souvent la colle pour restaurer des spécimens des collections de Sciences Naturelles. La colle la plus utilisée par les musées n'est pas la cyanolite mais la gomme arabique qui se dissout simplement dans l'eau et qui s'achète dans les magasins de loisirs créatifs en bocaux de petits morceaux ambrés à dissoudre soi-même.
Un recollage, aussi légitime qu'il soit, doit toujours être clairement indiqué lors d'un échange ou d'une vente. L'impact sur la valeur est relativement important.
La consolidation et l'imprégnation :
L'extraction de certains spécimens peut entraîner l'apparition de nombreuses fissures dans la roche mère. De même, certains matériaux ne sont naturellement pas consolidés (les coquilles des faluns par exemple), ou sont très poreux. Ainsi leur manipulation ou leur dégagement est rendu délicat, il est difficile de conserver ces spécimens qui s'émiettent au fil des années ou risquent à tout moment de se briser... Afin de les sauvegarder, les fissures sont souvent injectées de colle. La colle pénètre la fissure par simple capillarité et polymérise à l'intérieur. L'injection de fissure est très rarement signalée, sans doute parce que son objectif est d'assurer la pérennité de l'échantillon sans pour autant "améliorer" sa forme extérieure. L'impact sur la valeur est quasi nul.
L'imprégnation permet de "durcir" un spécimen qui aurait tendance à se disloquer. Elle est souvent utilisée sur les fossiles fragiles. Elle consiste a laisser tremper une roche très fracturée ou très poreuse dans un solvant mélangé à de la colle ou un durcisseur (résine ou plastique). En séchant la colle ou le durcisseur comble les vides de la roche. Les imprégnations sont, pour les mêmes raisons que les injections, rarement signalées... L'impact sur la valeur est faible.
Une injection ou une imprégnation peut être difficile à repérer et difficile à séparer d'un recollage. Certains durcisseurs ont cependant des odeurs artificielles très persistantes.
Encore une fois l'acétone dissout aisément la plupart des colles et durcisseurs employés, en théorie ce traitement est donc réversible. En pratique cependant, les colles ont tendance à gonfler dans leur solvant, leur dissolution peut ainsi ruiner totalement un spécimen (même effet que le gel sur une pierre mouillée).
Attention :
Les injections et imprégnations de cristaux ou gemmes avec des substances visant à améliorer leur couleur ou leur limpidité sont très communes sur les émeraudes, fluorines, saphirs, rubis, turquoises ou encore le jade. Elles seront traitées dans un autre article, leur objectif étant souvent d'améliorer l'aspect extérieur et en même temps la négociatibilité des spécimens.
Reconstitution ou reconstruction :
La reconstitution est la fabrication artificielle d'une partie manquante ou absente généralement de matrice mais aussi directement d'un fossile. La partie manquante est réalisée la plupart du temps à partir de matrice pilée mélangée à un liant (colle le plus souvent, mais aussi, plastique ou résine), la mixture est appliquée comme un ciment et après polymérisation elle peut être retravaillée (voire teintée). Les reconstitutions peuvent être très difficiles à mettre en évidence... et doivent être signalées, leur impact sur la valeur est important.
Ci-contre, une photo d'un spécimen de turritelle fossile du Bassin Aquitain vendu sur eBay et dont la matrice a été reconstituée (ceci n'étant pas précisé dans l'annonce)...
L' assemblage :
Un assemblage est un spécimen fabriqué artificiellement à partir de plusieurs cristaux ou fossiles naturels regroupés entre eux au moyen de différentes techniques dans une position qui n'est pas leur position d'origine, la plupart du temps dans le but de tromper leur acquéreur... Les assemblages imitent souvent des paragénèses ou associations que l'on rencontre à l'état naturel.
Parmi les plus beaux exemples on peut citer les groupes de trilobites et vertébrés marocains (photo en bas au centre), les ammonites pyritisées d'Europe de l'Est, les minéraux des pegmatites pakistanais dont les aigues-marines, fluorines, muscovites, tourmalines, sphènes (photo en bas à gauche), les coquilles des faluns français (photo en bas à droite), les géodes de galène du Maroc, etc...
Généralement les assemblages sont grossiers et peu chers, mais il faut toujours avoir à l'esprit qu'un spécimen peut avoir été intelligemment construit, nous avons pu voir des cas pour des fluorines roses du Mont-Blanc sur quartz fumé ou des wulfénites des Farges... échantillons normalement réservés aux collectionneurs avertis... L'impact sur la valeur est très important !
Un assemblage doit toujours être présenté, vendu ou échangé comme tel !
