Que sont les BIFs en géologie ?
La grande majorité des minerais de fer du monde est concentrée dans de ce qu'on appelle des fers rubanés (Banded Iron Formation ou BIF, en anglais). Ces BIF existent avec plusieurs faciès, mais le plus classique est constitué d'alternances de lits de silice plus ou moins ferrugineuse et pouvant contenir des fibres de crocidolite (oeil-de-tigre) et d'hématite, c'est ce que l'on appelle couramment "l'oeil-de-fer" sur le marché des pierres d'ornements. Ce sont toujours des formations sédimentaires marines. Ces fers rubanés sont tous d'âge Archéen ou Protérozoïque inférieur (-3,8 à -1,9 milliards d'années) donc très anciens. On les retrouve aujourd'hui essentiellement en Afrique du Sud et en Australie, mais aussi en Amérique du Nord.
Les BIF Archéens (les plus vieux sont âgés de –3,8 milliards d'années) forment des dépôts discontinus au sein des sédiments des ceintures vertes Archéennes (les ceintures vertes sont d'anciennes formations volcaniques métamorphisés par de nombreux événements géologiques). Ils sont souvent plus riches en silice rouge qu'en oxyde ferrique. Il portent alors parfois le nom de "jaspilite".
Les BIF du Protérozoïque inférieur forment de très gros gisements ; les couches sont réparties sur de vastes surfaces et constituent la majorité des gisements d'importance économique majeure. Ils datent de -2,5 à -1,9 milliards d'années. Il n'en existe plus après cette date (à l'exception de ceux liés aux épisodes Terre boule de neige vers -0,7 milliards d'années).
Origine :
Ne se formant plus dans la nature actuellement, l'origine de ces fers rubanés est l'objet d'interrogations et de débats depuis des dizaines d'années.
La principale interrogation concerne l'origine de ces bancs d'oxyde ferrique Fe3+, que ce soit pour les gisements de l'Archéen (époque où l'atmosphère était réductrice) ou du Protérozoïque inférieur (époque de la transition atmosphère réductrice / atmosphère oxydante). Le fer réduit (Fe2+) est soluble dans l'eau ; le fer oxydé (Fe3+) est insoluble. Puisque du Fe3+ (insoluble) marin a précipité à l'Archéen, c'est que l'eau de mer de cette époque contenait du fer en solution, forcément sous sa forme soluble Fe2+. L'océan à cette époque était donc bien réducteur, tout comme l'était l'atmosphère sus-jacente. La richesse de la mer en ions Fe2+ pouvait être générale, ou localement renforcée par un volcanisme sous-marin. Dans le cas des gisements Archéens, l'eau de mer habituellement réduite est localement devenue oxydante, ce qui a entraîné l'oxydation des ions Fe2+ en ions Fe3+ et leur précipitation sous forme d'hématite. On peut noter que si la majorité des BIF archéens sont uniquement constitué d'hématite, certains, dont ceux d'Isua, âgés de –3,8 Ga, contiennent aussi de la magnétite (Fe3O4, mélange de Fe2O3 [Fe3+] et de FeO [Fe2+]).
Deux hypothèses sont classiquement proposées pour expliquer cette oxydation :
- Une photolyse de l'eau par les UV solaires aurait permis un dégagement d'O2, rendant de ce fait la mer oxydante. Mais pourquoi une photolyse importante alors que le soleil de l'époque était moins actif que le soleil des époques plus récentes, et pourquoi cette oxydation seulement locale, et non pas généralisée ? On peut imaginer que localement, des oasis de vie photosynthétique aient vu le jour dans des eaux peu profondes, comme des tapis ou des amas de cyanobactéries (stromatolites). Une photosynthèse classique aurait permis la libération d'O2 issu de la photolyse de l'eau, et donc d'une précipitation de Fe3+.
- On peut aussi imaginer qu'un des types de photosynthèse très peu fréquents (mais existants) dans la nature actuelle soit responsable de ces précipitation de Fe3+. Citons un type de photosynthèse actuelle (rare et connu, quoique encore assez mal, des seuls spécialistes) qui pourrait expliquer cette précipitation abondante d'oxyde ferrique : la photo-ferrotrophie où le fer fournit des électrons. La photo-ferrotrophie est une photosynthèse (moins énergétiquement efficace que la photosynthèse classique) qui oxyde le fer Fe2+ (FeO) en fer Fe3+ (Fe2O3). Elle est aussi à même d'expliquer des précipitations locales de BIF.
Pour les gisements du Protérozoïque inférieur (les plus abondants) datant de -2,5 à –1,9 milliards d'années, ils seraient dus à l'oxydation générale de l'eau de mer par l'atmosphère devenant elle-même riche en O2 à cette époque. Les modalités précises de cette oxydation généralisée, en particulier l'épaisseur de la tranche d'eau où elle a lieu est l'objet de débats scientifiques.
Origine du rubanement :
La deuxième grande incertitude concerne l'origine du rubanement hématite / silice, dans le cas des BIF classiques (ou la séparation hématite / carbonates ou hématite / silicates dans le cas des autres faciès moins classiques). Là encore, deux hypothèses extrêmes sont proposées :
- Une sédimentation alternée silice-hématite, l'hématite précipitant pendant des épisodes de photosynthèse active, la silice précipitant en absence de photosynthèse. La rythmicité serait due à des rythmes d'origine astronomique, que ce soit des rythmes climatiques de type Milankowitch ou des rythmes saisonniers.
- Une séparation de type diagénétique : un mélange initialement homogène silice + hématite se serait séparé lors du processus de transformation du sédiment en roche (diagénèse). La nature discontinue des bancs de silice ou le remplissage de fissures et de failles par de l'hématite montrent que des migrations et ségrégation hydrothermales sont possibles.