Les diamants "trapiche-like" du Zimbabwe
Les diamants zonés appelés parfois abusivement "trapiche" en raison de leurs motifs en forme d’étoiles (avec 2, 3, 4 ou 6 branches) proviennent du Zimbabwe. Ils présentent des zonations distinctes selon l'orientation produites lors de la croissance cristalline. Ce phénomène, observé dans des diamants bruts ou des plaques polies, est dû à une variabilité chimique, structurelle ou physique entre les secteurs du cristal (Rakovan, 2009). Ces diamants, généralement semi-transparents ou opaques, se sont démarqués comme objets de collection et dans la haute joaillerie depuis leur émergence au salon de Tucson en 2010. Certains peuvent être impressionnants par leurs dimensions de presque 2 cm pour plusieurs dizaines de carats...
Photo de droite : Diamant trapiche-like du Zimbabwe en octaèdres aux faces polies de 17,89 ct pour une dimension de 1,5 cm environ.
Zonations chimiques invisibles
Les éléments tels que l'azote, l'hydrogène, le bore, le silicium, le cobalt et le nickel peuvent se substituer au carbone dans le réseau cristallin du diamant. Les études montrent une zonation chimiques de ces éléments, par exemple le nickel est davantage concentré dans les secteurs octaédriques (Meng et al., 2003) de même que l'azote. Ces zonations chimiques ne sont habituellement pas visibles, elles ne peuvent être détectées que par des analyses de laboratoire. Elles sont par exemple observables par cathodoluminescence au moyen d'un MEB (émission de lumière par le diamant soumis à un bombardement d'électrons). Les secteurs cubiques de ces diamants montrent souvent une luminescence verte, tandis que les secteurs octaédriques présentent une faible luminescence bleue.
Tranches de diamant du Zimbabwe en cathodoluminescence d'après John Rakovan et Eloïse Gaillou (2014)
Zonations gris-noir
Dans les tranches de diamant les secteurs cubiques {100} sont optiquement différenciés des secteurs octaédriques {111} par une couleur grise à noire qui met également en évidence les zones concentriques. La couleur grise associée aux secteurs cubiques est due à une accumulation très dense d'inclusions diffusant la lumière. Ces inclusions ont été analysées par spectroscopie Raman par Rakovan et al. (2014), il s'est avéré qu'il s'agissait d'inclusions de graphite. Howell, Griffin, Piazolo et al. (2013) ont montré que les inclusions sont en fait des défauts connus sous le nom de "disk-crack-like defects", ils se forment à l'interface des secteurs cubiques et octaédrique en raison des différents mécanismes de croissance de ces faces cristallographiques ou à des différences de tensions cristallines. Ces défauts sont ensuite recouverts de graphite lors de la croissance des diamants.
Les formes cristallines et motifs de zonations
Deux séries de faces se développent sur les cristaux de diamant du Zimbabwe : les faces du cube (100) et les faces de l'octaèdre (111).
Les faces du cubes {100} sont au nombre de 6 : (100), (001), (010), (00-1), (-100) et (0-10)
Les faces de l'octaèdre sont au nombre de 8 : (111), (-111), (-1-11), (-1-1-1), (1-11), (1-1-1), (-11-1), (11-1)
Les zonations grises se forment sur les secteurs cubiques. Selon l'orientation et l'épaisseur des tranches polies réalisées des motifs en forme d'étoile à 2, 3, 4 et 6 banches sont observés comme présenté sur les schémas ci-dessous.
Les macles sur les cristaux de diamant ne sont généralement pas rare, elles permettraient théoriquement d'avoir des motifs à 10 branches sur des coupes parallèles aux faces du cube, jusqu'alors non observés par nos soins
Origine des diamants du Zimbabwe
Les diamants zonés de cette origine, bien que coupés et facettés en Inde, proviennent vraisemblablement de Chiadzwa, dans la région de Marange, dans l'Est du Zimbabwe. Les gisements de diamants de Marange, situés dans la province du Manicaland, représentent l'une des plus grandes sources de diamants du pays, couvrant une vaste superficie de 66 640 hectares. Ces gisements alluviaux, découverts par des villageois en 2006, ont entraîné une ruée vers les diamants attirant des milliers de mineurs artisanaux et de commerçants illégaux. Initialement exploités par des sociétés comme Kimberlitic Searches (De Beers) et Africa Consolidated Resources (ACR), les gisements ont été nationalisés après que ces entreprises n’aient pas atteint les résultats escomptés, en partie à cause des conditions économiques et politiques risquées du pays.
La découverte a suscité une exploitation informelle massive, avec près de 35 000 mineurs artisanaux illégaux et 5 000 négociants étrangers en 2008. Ces activités ont attiré l'attention internationale, notamment pour les accusations de violations des droits de l’homme et les expulsions forcées visant à réguler cette ruée désordonnée. En conséquence, le processus de Kimberley, un système international visant à empêcher le commerce des "diamants de conflit", a imposé une surveillance stricte des diamants en provenance de Marange. Le gouvernement a finalement renforcé les contrôles sur l’exploitation minière par le biais de la Minerals Marketing Corporation of Zimbabwe (MMCZ), chargée de superviser la commercialisation des diamants. Cependant, les prix d’achat offerts par la MMCZ étant peu compétitifs, de nombreux mineurs ont continué à se tourner vers le marché noir, alimentant ainsi le commerce illégal.
En plus de ces défis éthiques, les diamants de Marange, qui représentent une valeur estimée à 800 milliards de dollars et une durée d'exploitation projetée de 30 ans, pourraient potentiellement contribuer jusqu’à 25 % de la demande mondiale en diamants. Le Zimbabwe occupe actuellement la septième position mondiale en termes de production, avec des perspectives de croissance significatives si des politiques de régulation plus rigoureuses et transparentes sont mises en place pour canaliser cette richesse vers un développement durable.
Carte du gisement de diamant de Marange, Zimbabwe d'après Gumbo T. (2013)
Références :
Rakovan et al. (2014). Optically Sector-Zoned (Star) Diamonds from Zimbabwe, Rocks & Minerals, 99, 173-178
Howell D., Griffin W.L., Piazolo S. et al. (2013). Sector-zoning and defects in cuboctahedral diamonds. Geochimica et Cosmochimica Acta.
Rakovan, J. (2009). Sector Zoning in Crystals: Implications for Mineral Chemistry and Physics. American Mineralogist.
Meng, Y., et al. (2003). Nickel Distribution in Synthetic Diamonds. Physics and Chemistry of Minerals.
Evans, T. (1979). Heating Events and Diamond Stability. Journal of Geophysical Research.
Walker, J. (1979). Cathodoluminescence in Diamond Studies. Nature.
Gumbo, Trynos. (2013). Public-Private Partnerships (PPPs) and Sustainable Natural Resources Exploitation in Africa: Lessons from Diamond Mining in Chiadzwa, Zimbabwe. 10.13140/2.1.3856.8647.
Human Rights Watch. (2009). Diamonds in the Rough: Human Rights Abuses in the Marange Diamond Fields of Zimbabwe. Human Rights Watch.
Chimonyo, R., & Mabiza, J. (2014). An Analysis of the Socioeconomic Impact of Diamond Mining in Marange, Zimbabwe. African Journal of Business Management.
Partnership Africa Canada. (2010). Diamonds and Clubs: The Militarized Control of Diamonds and Power in Zimbabwe.