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L'origine de la couleur des minéraux

BORNET Rémi (2024)
Collection de minéraux colorés


Les minéraux, avec leurs couleurs fascinantes et variées, ont toujours capté l’attention des curieux et des scientifiques. Du vert profond de l’émeraude au bleu intense de l'azurite, ces nuances éclatantes résultent d’un mariage subtil entre physique, chimie et structure cristalline. Mais qu’est-ce qui explique ces couleurs uniques ? Explorons ensemble les secrets de la coloration des minéraux.

La lumière et les minéraux : une rencontre colorée

Absorption sélective de la lumière :

La couleur des minéraux provient de leur interaction avec la lumière visible, cette partie du spectre électromagnétique que notre œil peut percevoir (entre 350 et 750 nanomètres). Lorsqu’un rayon de lumière frappe un minéral, une partie de cette lumière est absorbée, et l’autre partie est réfléchie ou transmise. Ce que nous voyons correspond aux longueurs d’onde non absorbées, c’est-à-dire celles qui sont réémises par le minéral.

Prenons l’exemple de la chlorophylle dans les plantes. Elle absorbe les lumières rouge et bleue pour la photosynthèse, mais reflète la lumière verte, expliquant ainsi la couleur des feuillages. De manière similaire, chaque minéral a une signature unique d’absorption de la lumière, dictée par sa composition chimique et sa structure cristalline.

Les caractéristiques de la lumière :

La lumière est une onde électromagnétique caractérisée par sa longueur d’onde. Les couleurs du spectre visible vont du rouge (longue longueur d’onde, faible énergie) au violet (courte longueur d’onde, haute énergie). Lorsqu’elle interagit avec les électrons dans les minéraux, elle peut provoquer des transitions énergétiques, absorbant certaines longueurs d’onde et laissant les autres visibles.

Quartz fumé maclé de Chine

Les minéraux peuvent être :

  • Idiochromatiques : leur couleur vient des éléments essentiels à leur composition, comme le bleu de l’azurite (Cu3(CO3)2(OH)2).
  • Allochromatiques : leur couleur résulte d’impuretés, comme le saphir teinté par des traces de titane.

Les origines de la couleur

Les éléments de transition :

Les minéraux tirent souvent leurs couleurs des éléments de transition, des métaux comme le fer (Fe), le cuivre (Cu) ou le chrome (Cr). Ces éléments possèdent des électrons dans des orbitales atomiques d (ou f pour les actinides et les lanthanides), qui peuvent être excités par la lumière. Ces excitations, appelées transitions d-d, absorbent des longueurs d’onde précises, donnant ainsi une couleur caractéristique au minéral. Par exemple :

  • Le fer (Fe2+) confère une teinte verte aux minéraux comme le péridot.

  • Le chrome (Cr3+) est responsable du rouge vif du rubis et du vert profond de l’émeraude, en fonction de l’environnement chimique.

  • Le cuivre (Cu2+) donne des teintes bleues et vertes, comme dans l’azurite ou la malachite.

Les centres colorés :

Les centres colorés sont des anomalies dans la structure cristalline des minéraux qui influencent leur couleur. Ces défauts, souvent appelés centres F (de l’allemand farbe, couleur), se produisent de diverses manières :

  • Lacunes ioniques : Lorsqu’un ion est absent de la structure cristalline, un électron peut occuper cette lacune. Par exemple, dans la fluorine, des lacunes d’ions fluor piègent des électrons qui absorbent des longueurs d’onde spécifiques, produisant une teinte violette.

  • Substitutions ioniques : Quand un ion remplace un autre dans la structure mais avec un degré d’oxydation différent, cela peut créer des défauts colorés. Dans l'améthyste, des ions Fe3+ substituent le silicium, provoquant des anomalies qui absorbent certaines longueurs d’onde et créent une coloration violette.

  • Impuretés interstitielles : Des éléments étrangers insérés entre les atomes peuvent aussi interagir avec la lumière et générer des couleurs uniques.

Les transferts de charge :

Les transferts de charge constituent un autre mécanisme fondamental dans la coloration des minéraux. Ce phénomène se produit lorsqu’un électron est transféré entre deux ions ou groupements atomiques voisins, modifiant ainsi la manière dont le minéral interagit avec la lumière.

Transferts ion-ion :

Un transfert de charge ion-ion implique généralement deux ions de valences différentes, comme Fe2+ et Fe3+, ou encore Fe2 et Ti4+. Lorsqu’un électron est échangé entre ces ions sous l’effet de la lumière, certaines longueurs d’onde sont absorbées. C’est ce phénomène qui donne au saphir sa teinte bleue intense, résultant d’échanges entre le fer et le titane.

Transferts groupement-ion :

Dans certains minéraux, comme la vanadinite ou la crocoïte, le transfert de charge se produit entre un groupement d’atomes (par exemple, V5+-O4 ou Cr6+-O4). Ces transferts absorbent des longueurs d’onde particulières, créant des teintes vibrantes allant du jaune au rouge. Par exemple :

  • Vanadinite : Une absorption dans le bleu produit une teinte jaune-orange.

  • Crocoïte : Le transfert entre Cr6+ et O- confère un rouge intense.

Transferts interne-externe :

Certains minéraux présentent un transfert d’électrons entre un atome du cristal et une inclusion étrangère ou un défaut structurel. Ce type de transfert est souvent accompagné d’une fluorescence, comme dans le cas de l’uraninite, qui émet une lueur jaune-vert.

En somme, les transferts de charge ajoutent une dimension dynamique à la coloration des minéraux, reliant directement leur composition chimique à leur apparence visuelle unique.

Saphir bleu de Ratnapura, Sri Lanka
Saphir bleu de Ratnapura, Sri Lanka
Vanadinite rouge de Mibladen, Maroc
Vanadinite rouge de Mibladen, Maroc
Crocoïte de Dundas, Tasmanie, Australie
Crocoïte de Dundas, Tasmanie, Australie
Fluorine violette de Berbés, Espagne
Fluorine violette de Berbés, Espagne

Les phénomènes optiques : la magie des interactions

La diffraction :

La diffraction se produit lorsque la lumière est déviée en passant au travers ou autour de structures périodiques dans un minéral. Ce phénomène est à l’origine des jeux de couleurs des
opales. Ce minéral se compose de sphères microscopiques de silice disposées de manière régulière. Lorsqu’un rayon lumineux interagit avec ces sphères, les différentes longueurs d’onde de la lumière sont dispersées sous divers angles, créant un arc-en-ciel de couleurs. Plus les sphères sont grandes, plus les couleurs tendent vers le rouge ; plus elles sont petites, plus les teintes virent au bleu.

Dans certains cas, comme pour la
labradorite, les irisations résultent de la superposition microscopique de couches alternées de feldspath calcique et sodique (perthites). La diffraction à travers ces couches produit des éclats de couleur qui changent selon l’angle d’observation. Les irisations sur les minéraux métalliques sont également liées à ce phénomène par la présence d'une très fine pellicule d'oxydes transparents à leurs surfaces (goethites irisée par exemple).

La réfraction :

La réfraction est le changement de direction que subit une onde lumineuse lorsqu’elle traverse un milieu à
indice de réfraction différent. Ce phénomène est responsable de la décomposition de la lumière blanche par des prismes ou dans les arcs-en-ciel. Lorsqu’elle traverse des minéraux transparents comme le diamant ou le quartz, la réfraction peut créer des effets de dispersion qui séparent les couleurs constitutives de la lumière. Les diamants taillés, par exemple, exploitent ce phénomène pour produire des feux multicolores, amplifiant leur beauté naturelle.

La diffusion :

La diffusion se produit lorsque la lumière est éparpillée dans toutes les directions par de petites particules ou des inclusions dans un minéral. Ce phénomène est à l’origine de la couleur bleue de la
lussatite et de certains quartz laiteux. Dans le cas du ciel, la diffusion de Rayleigh explique pourquoi le bleu, ayant une longueur d’onde courte, est plus dispersé que les autres couleurs. Pour les minéraux, la taille et la nature des particules incluses influencent directement la couleur perçue. Par exemple :

  • Quartz rose : Des inclusions microscopiques de dumortiérite dispersent la lumière, créant une teinte rose douce et élégante.

  • Quartz bleu : Une diffusion accrue des longueurs d’onde rouges et vertes laisse prédominer les tonalités bleues.


Quand les particules sont plus grandes que la longueur d’onde de la lumière visible, toutes les couleurs sont diffusées également, donnant une apparence blanche ou grisâtre, comme dans la neige ou le sel.



Les phénomènes optiques élastiques, comme la diffraction, la réfraction et la diffusion, enrichissent la palette de couleurs des minéraux sans altérer leur composition chimique. Ils participent pleinement à la magie visuelle des pierres naturelles, transformant les jeux de lumière en émerveillement.

Opale de Welo, Ethiopie
Opale de Welo, Ethiopie
Labradorite de Madagascar
Labradorite de Madagascar
Goethite irisée de Luchon, Haute-Garonne, France
Goethite irisée de Luchon, Haute-Garonne, France
Lussatite de la Mine des Rois, Dallet, France
Lussatite de la Mine des Rois, Dallet, France

Conclusion

La couleur des minéraux, fruit d’un subtil équilibre entre chimie, physique et structure cristalline, représente bien plus qu’une simple esthétique. Elle est le reflet d’interactions complexes entre la lumière et la matière : des électrons sautent entre niveaux d’énergie, des défauts cristallins modifient les absorptions lumineuses, et des phénomènes optiques transforment les rayons lumineux en spectacles éblouissants.

Au-delà de leur beauté, les minéraux colorés nous rappellent les merveilles de la nature et les lois fondamentales qui régissent notre univers. Comprendre ces mécanismes ne fait qu’amplifier notre admiration pour ces éclats de lumière figés dans la roche, témoins de l’histoire de la Terre.

Références :

Emmanuel Fritsch : « La couleur des minéraux et des gemmes », Monde et minéraux N°67, 39 et 70 (1985).
Steven Dutch : « Why Minerals Are Colored », Natural and Applied Sciences, Université de Wisconsin-Green Bay.
Cours  de l'Institut de Gemmologie Américain (GIA)